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« L’entrepreneuriat est un facteur puissant d’insertion »
Frédéric Lavenir, président de l’Adie, nous éclaire sur l’importance cruciale du financement dans le parcours de tous les entrepreneurs.
Comment est né le partenariat entre l’Adie et Banque Populaire ? Sur quelles valeurs partagées est-il fondé ?
Le premier partenariat remonte à 1997, avec Banque Populaire en Alsace. Nous faisions le même constat : le financement des entreprises locales n’était pas assuré, et la solidarité était une bonne réponse à ce besoin. Le partenariat a été élargi à d’autres régions, puis il a été généralisé lors de la création de la Fédération Nationale des Banques Populaires. Aujourd’hui, c’est un élément clé de notre modèle. L’Adie et les Banques Populaires ont une communauté de vues, la même vision de l’esprit d’entreprise et de la solidarité. Nous partageons la conviction profonde que l’entrepreneuriat est un facteur puissant de progrès et d’insertion.
En quoi la création d’entreprise est-elle un ferment du lien social ?
Pour deux raisons. D’abord, de nombreuses personnes sont éloignées du marché du travail car elles n’ont pas les bons réseaux. Certains ont subi des accidents de la vie, ne maîtrisent pas la langue française, etc. D’autres exerçaient dans des activités que les entreprises ne veulent plus faire elles‑mêmes. Mais toutes et tous ont la capacité, grâce à leur savoir‑faire et leur volonté, d’offrir un service directement à des clients. Si on ne leur permet pas de créer une entreprise, ils s’enfoncent dans une exclusion destructrice du lien social et de la communauté citoyenne. En sens inverse, en leur permettant de gagner leur vie et de se sentir utiles pour la société, ils retrouvent la capacité à participer pleinement à la vie sociale.
Seconde raison, sous un autre angle : dans les banlieues et les villes moyennes, un phénomène de dévitalisation est en cours. Les commerces, les services disparaissent. Il n’y a plus de lieux d’échange et de vie. La création d’une activité de proximité, par exemple une petite boutique ou un café, fait renaître la vie sociale. Nous y contribuons aussi.
Quel est le profil type des entrepreneurs soutenus par l’Adie ?
Ce sont des personnes qui n’ont pas accès au crédit bancaire, sans épargne personnelle et qui ne peuvent pas être soutenues financièrement par leur famille. Elles obtiennent chez nous un prêt moyen de 5 000 euros. Les profils sont très diversifiés, il est difficile de les résumer. Nous sommes très présents dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les zones rurales dévitalisées, auprès de migrants, d’anciens détenus, de gens du voyage… Sur le plan régional, il y a quelques spécificités en termes de secteurs d’activité. En région parisienne, nous finançons davantage d’entreprises de transport, notamment des VTC. Dans les outre‑mer, où nous sommes très actifs, la part de l’agriculture est plus forte que dans l’Hexagone. Mais, en général, les secteurs sont très homogènes d’un territoire à l’autre.
Pourquoi le modèle coopératif de la banque est-il un levier de vitalité économique au niveau local ?
Dans un espace géographique donné, le sentiment d’appartenance etla solidarité sont des facteurs essentiels de succès. Pour que le crédit finance efficacement le développement, il faut de la confiance. Or, le système coopératif est, par principe, constructeur de confiance.
Quel type de relations nouez-vous avec les porteurs de projet ? Les suivez-vous à long terme ?
Les entrepreneurs qui s’adressent à l’Adie viennent d’abord parce qu’ils ont besoin d’argent. Mais si vous les interrogez quelques années plus tard, ils vous parleront du conseiller ou du bénévole qui les a accompagnés ! Quand on crée une entreprise, en indépendant, on est souvent seul. Certains ont besoin d’être épaulés sur tous les plans : informatique, comptabilité, etc. Notre présence à leurs côtés est un élément fondamental de notre modèle.
Quelles sont les plus grandes réussites de l’Adie, selon vous ?
Nous avons financé 450 000 créations d’entreprise en France depuis notre création, en 1989. La plus grande réussite, c’est d’être encore là. Je ne pourrai pas citer toutes les initiatives que nous sommes fiers d’avoir soutenues. Nous avons distribué 35 000 crédits en 2024, chaque histoire est particulière, et il n’est pas dans notre culture de faire des classements. Mais j’observe que les entreprises que nous aidons affichent un taux de pérennité élevé, de 85 % à trois ans. Cela n’est possible qu’avec un accompagnement sérieux. Et les autres ne sont pas tous en échec. Parmi ceux qui s’arrêtent, il y a des entrepreneurs qui retournent au salariat, d’autres qui changent d’activité. Le taux d’insertion dans l’emploi dépasse donc 90 %, c’est une grande satisfaction.